Propos sur l'homophobie, les pauses cafés et les héros de romans pour adolescents
Ce qu'il y a de terrible dans la situation de gay caché vivant apparemment une vie d'hétérosexuel, c'est que l'on souffre parfois autant, intérieurement, de l'homophobie, que si l'on était un gay pratiquant. On a donc toute la merde psychique en plus d'une solitude affective totale.
On ne dira jamais assez à quel point il est crucifiant, destructeur, démoralisant, torturant, humiliant, triste, douloureux, merdique, de se sentir attaqué dans ce que l'on est, quotidiennement. Je suis d'accord pour dire que l'être humain ne se limite pas à sa seule orientation sexuelle, mais elle est quand-même constitutive de sa personne, et difficile à nier.
Quelque chose que je suis et que je ne peux pas effacer de moi, quelque chose que je ressens très profondément, est socialement assimilé à une tare invalidante, coupable, honteuse et ridicule, au point de désigner dans le langage courant toute une gamme de situations scabreuses, méprisables et condamnables. Il y a mieux pour se sentir heureux.
Et j'ai eu à travailler dans des milieux industriels... Et à côtoyer des commerciaux de base... Pour plus de la moitié de ceux que j'ai pratiqués, surtout les plus âgés, l'homophobie active, comme la misogynie, l'alcool et le racisme, font partie des sports quotidiens, des modes de reconnaissance entre eux et des conversations quotidiennes.
Moins chez les jeunes, je dois le dire. Mais dans beaucoup d'endroits, personne n'oserait employer ouvertement dans les conversations quotidiennes des mots comme pédé, négro, pétasse, gouine ou niakoué. Dans les lieux où j'ai travaillé, no problem. Et toujours, gros soutien de la direction pour cette forme d'humour "gaulois" apparenté à de la liberté.
J'ai toujours condamné ces propos, lutté aussi bien contre l'homophobie que le racisme ou la misogynie, mais cela m'a surtout valu d'être exclu des conversations et des sorties.
Bizarrement, je n'ai jamais ressenti cela dans les milieux ecclésiaux. Il y a bien sur la considération de l'acte homosexuel (et non de la personne) comme mauvais, mais jamais, au grand jamais, dans les échanges quotidiens, je n'ai entendu de mépris, de blagues à la con, aussi bien sur les femmes que sur les personnes homosexuelles, pas plus que sur les personnes ayant un handicap. Par contre, l'entreprise où je bossais et où on pouvait allègrement casser du pédé à la pause café avait signé tout un tas de chartes contre les discriminations...
Je sais en écrivant cela que je peux m'attirer les foudres de militants LGBT qui voient en BXVI l'ennemi absolu de la cause, je dis juste ce que j'ai vécu. Je suis d'accord pour dire qu'un seul paragraphe dans le catéchisme pour dire "ok on reconnaît qu'on ne choisit pas, on condamne l'acte pas les personnes, on demande aux homos de vivre le célibat", c'est un peu court. Mais je crois que la lutte est surtout quotidienne, de proximité, qu'il y a encore un chemin phénoménal à accomplir, à reprendre à chaque génération.
Je crois que nous manquons encore de modèles, de références, de personnages télévisuels et de fiction, meme et surtout dans les medias jeunesse. À quand un Harry Potter qui aimerait Ron ? Cela ne ferait pas tomber toutes les discriminations d'un coup de baguette magique, mais contribuerait peu à peu à faire évoluer les mentalités. Car je ne crois pas, sincèrement, qu'elles bougeront à coups de procès, de guides publiés par la Halde ou encore de théorie du genre. Si ce genre de truc marchait, sur le long terme, il n'y aurait plus besoin de radar sur les routes.
Et puis, il ne servirait à rien de vouloir remplacer une dictature par une autre, de violenter les gens dans leurs croyances sous prétexte de se libérer. On ne décrète pas que tout le monde doit être gentil maintenant, sinon on fait le lit des causes désespérées, identitaires, réactionnaires. Il n'y a qu'à voir sur le terrain politique, ça a vachement servi de donner des leçons de morale, de décréter qui était fréquentable ou pas !
Moi je voudrais d'un monde de création, de fiction, où les héros gays présentés de façon positive et non pathologique, puissent servir sur le plan humain d'éléments d'identification, de héros, même à des enfants et des jeunes hétéros, et sans qu'ils en aient honte.
Je sais que je rêve, mais c'est un bon début, non ?